Les prix élevés des médicaments sont désormais une réalité dans toute l’UE, ce qui entraîne des inégalités d’accès aux médicaments, voire une absence d’accès dans certains pays européens. Il s’agit d’un défi majeur pour nos systèmes de santé fondés sur la solidarité, qui ne diminuera pas tant que les principes actuels de fixation des prix des médicaments ne seront pas radicalement modifiés.

Les Pays-Bas sont l’un des pays européens les plus actifs en matière de contrôle des prix des médicaments. Petra van Holst, PDG de Zorgverzekeraars Nederland (ZN), notre membre néerlandais, a pris le temps de répondre à nos questions sur la situation dans son pays, où les assureurs de soins de santé ont mis en œuvre de manière proactive un certain nombre d’initiatives visant à mieux contrôler l’augmentation des prix des médicaments.

Madame van Holst, pouvez-vous nous expliquer la tendance concernant l’accessibilité financière des médicaments aux Pays-Bas ? Cela a-t-il un impact sur l’accès des patients aux médicaments ?

Ce dossier se caractérise par des prix élevés, une augmentation rapide des dépenses et des développements et innovations continus. Les dépenses en médicaments aux Pays-Bas ont augmenté ces dernières années de 7 % par an en moyenne. Cette augmentation est plus importante que celle des autres dépenses de santé, comme les soins hospitaliers. Par conséquent, cet argent ne peut pas être utilisé pour le personnel ou l’innovation. Cela pèse sur la viabilité de notre système de soins de santé.

Lorsque les assureurs de santé dépensent inutilement pour des médicaments inefficaces, l’accès des patients à ces produits peut être compromis. ZN veut s’efforcer d’obtenir des prix socialement acceptables et rentables afin d’éviter les retards dans l’admission et le remboursement des médicaments aux Pays-Bas.

Quel est le rôle de ZN en matière d’accès aux médicaments ?

ZN est l’organisation faîtière des assureurs maladie néerlandais. Au sein de notre organisation, la vision des assureurs santé est de travailler ensemble – dans la mesure du possible – pour garantir que tous les traitements avec des médicaments hospitaliers dans le cadre du paquet de soins sont et restent efficaces (en termes de coûts), accessibles et abordables pour tous les patients. À cette fin, les assureurs santé ont par exemple créé une association d’achat commune (la Clean Team) qui conclut des accords financiers avec les sociétés pharmaceutiques. Cette association s’occupe en particulier des médicaments pour lesquels il n’existe que peu ou pas de produits concurrents et qui posent des problèmes majeurs d’accessibilité et d’abordabilité. Nous essayons également d’atteindre cet objectif avec d’autres parties prenantes et des professionnels de santé.

En outre, ZN dispose d’un comité appelé CieBAG (comité d’évaluation des médicaments complémentaires) qui évalue activement les nouveaux médicaments afin de déterminer s’ils sont conformes aux normes scientifiques et pratiques les plus récentes.

Madame van Holst, que signifie pour vous le concept de juste prix des médicaments ? Le calculateur et le modèle de juste prix ont-ils fait une différence dans votre travail sur la fixation des prix et le remboursement des médicaments ?

Il n’existe pas de consensus clair sur le concept de juste prix pour les médicaments, car il peut être abordé sous de multiples angles. Cela dit, le calculateur de juste prix donne aux assureurs des outils qui leur permettent d’être plus à l’aise avec le prix de référence et de mieux comprendre ce que devrait être le prix cible d’un médicament, car il aide à clarifier la structure des composantes du prix. L’application du calculateur de juste prix oblige les entreprises pharmaceutiques à être plus transparentes sur ces composantes.

La Clean Team applique le calculateur de juste prix par défaut lorsqu’elle négocie les prix des médicaments avec les entreprises pharmaceutiques. Actuellement, la Clean Team a conclu plus de 40 accords avec des entreprises pharmaceutiques.

Selon vous, les pays peuvent-ils parvenir seuls à des justes prix pour les médicaments ? Comment la révision de la législation pharmaceutique pourrait-elle créer des conditions propices à des prix plus justes pour les médicaments et à une meilleure gestion des produits pharmaceutiques dans votre pays et en général ?

Dans une certaine mesure, les pays peuvent parvenir à des prix justes par leurs propres moyens, mais il est plus efficace de travailler ensemble pour modifier la législation européenne.

À l’heure actuelle, la nouvelle législation européenne sur les brevets ne soulage pas suffisamment les Pays-Bas ni les autres pays lorsqu’il s’agit de parvenir à des prix justes pour les patients. Nous voyons même certains risques dans la nouvelle législation pharmaceutique, à savoir des protections plus longues et donc des prix élevés qui pourraient finalement entraîner des retards dans l’accès aux médicaments. Nous pensons que les pays devraient coopérer davantage pour améliorer la législation et inscrire dans la loi une plus grande transparence sur la structure des prix. Nous pensons également qu’une plus grande coopération est nécessaire pour garantir, par exemple, que le rapport coût-efficacité devienne un élément plus pertinent de l’examen des dossiers d’enregistrement par l’Agence européenne des médicaments (EMA).